Stéphane Edouard, sociologue et auteur de l’homme idéal (Ed. Flammarion), évoque les différences entre rencontres réelles et rencontres virtuelles.
Etre ou ne pas être
Pour mieux exhaler les différences, commençons tout d’abord par repérer un point commun. Autrement dit, de quoi se constitue le noyau dur de la rencontre entre deux personnes ? L’unique point commun – ou presque – à toutes les rencontres amoureuses, réside dans le fait que vous n’aviez pas conscience de l’existence de la personne qui se trouve en face de vous avant qu’elle ne se trouve justement… en face de vous.
Et même dans le cas d’une relation antérieure qui aurait évolué pour se transformer en relation de séduction, ce postulat reste vrai : vous n’aviez pas encore perçu cette personne comme intéressante, elle n’existait pas (encore) à vos yeux comme personne séduisante. Un passage soudain, pour ne pas dire violent du “ne pas être” au “être” qui ne peut se faire sans un certain chamboulement intérieur, lui-même générateur du stress, du sentiment d’être observé par la pièce entière, et d’une bonne quantité de sueur au creux de l’aisselle.
Informations et traitement
Dans la réalité, l’afflux d’informations qui vous parvient dès l’existence de la personne “cible” est établie est faramineux. Sa voix, son regard, sa gestuelle, ses vêtements, sa posture, ses actions, autant d’informations que vous tentez – avec plus ou moins d’adresse – de prendre en compte dans votre effort pour briser la glace et parvenir, le temps d’un instant, à entrer dans sa vie. Sur le profil web en revanche, on ne peut pas dire que ce soit la quantité d’information qui vous assaille. Quand bien même l’aurait-elle rempli avec plus de soin que sa déclaration de revenus, vous ne savez strictement rien de cette personne, et le peu que vous pouvez imaginer est probablement faux : c’est dans une quête d’informations que vous allez vous lancer, pas dans un tri. Une posture radicalement différente qui induit une différence tranchée dans l’approche de la rencontre.
Si la rencontre réelle commence par un badinage déculpabilisant (car il permet de laisser décanter quelques instants l’afflux d’informations visuelles et sensorielles que nous prenons à la figure), la rencontre virtuelle quant à elle démarre généralement dare dare par un échange d’informations personnelles censé créer la normalité, soit l’exact contraire. Confirmation que la question comment séduire appelle rarement une réponse simple….
Le réel frappe toujours deux fois
Deuxième différence, liée bien entendu à la première, le premier rendez-vous. Si, dans la rencontre réelle, il constitue l’enchaînement le plus naturel possible d’une interaction qui – si les deux personnes se plaisent – aura été trop courte, pour nos deux web lovers en revanche il constitue une plongée dans l’eau glacée de la réalité, celle où on n’a pas le temps de réfléchir à sa réponse avant de la taper sur le clavier, ni le droit de se gratter impunément le nez tout en laissant croire à l’autre qu’on boit du Dom Pérignon devant la cheminée. Soit un mode de communication bien plus exigeant et moins confortable que l’écrit (où vous pouviez emporter votre laptop jusque sur le trône pour ne pas interrompre un tchat), dont ne se sortiront que ceux qui avaient déjà acquis une certaine expérience de l’interaction en réel (IRL, me dira t-on).
Un jour sans fin
Enfin, bien que cela ne soit pas vraiment un conseil séduction, on réfléchira à la gestion du “décrochage” du site une fois les premiers rendez-vous passé. En effet, il est tentant – tout autant pour vous que pour elle – de laisser ouvert un profil sur le site re rencontre, en “backup”, profil sur lequel vous allez immédiatement vous jeter dès que votre relation connaîtra des difficultés. Ce qui, comme pour toute relation, ne manquera pas d’arriver. Avec la multiplication des réseaux et des contacts, vient l’embarras du choix, mais il y a des choix qui peuvent devenir embarassants.
Stéphane