Voici la transcription complète d’un épisode franchement marquant du podcast The Diary of a CEO, animé par Steven Bartlett. Il reçoit Esther Perel la rockstar de la thérapie de couple pour jaser d’un sujet dont personne parle assez : la crise relationnelle qui tue tranquillement notre vie sexuelle. L’épisode s’appelle « The Relationship Crisis No One Talks About That’s Killing Your Sex Life », pis c’est pas pour rien. Entre dating apps, solitude moderne, infidélité pis écrans qui nous volent notre attention, Esther met le doigt sur ce qu’on vit tous… sans trop oser l’avouer.
Introduction
J’ai demandé à mon amie la plus proche de me partager les questions qu’elle n’oserait jamais poser. Elle m’a dit :
- Comment être satisfait(e) avec un(e) seul(e) partenaire sexuel(le) ?
- Dois-je avouer une infidélité passée à mon/ma partenaire ?
- Je ne trouve plus mon/ma partenaire attirant(e)… comment lui dire ?
Pour y répondre, nous recevons Esther Perel, thérapeute renommée avec 40 ans d’expérience en relations humaines.
Esther Perel : Ce qui me préoccupe le plus aujourd’hui, c’est l’atrophie sociale, cette perte des compétences relationnelles. Comme un muscle qu’on n’utilise plus, nos habiletés sociales s’affaiblissent.
Steven : Et quel est le prix de cette déconnexion ?
Esther Perel : On est faits pour connecter ensemble. Sans relations, la vie devient plus difficile. Ce n’est pas le biohacking qui nous fait vivre plus longtemps, c’est la qualité de nos liens. Comme un athlète sans entraînement, on perd la capacité de s’engager aux autres.
Les applis de rencontre : outils ou pièges ?
Steven : Les gens en ont marre des applis. Un homme m’a dit avoir swipé plus de 2 millions de fois, pour une seule date. Que lui diriez-vous ?
Esther Perel : Je lui demanderais ce qu’il fait en dehors de l’appli. Cinq ans sans résultats, c’est trop. Sors, parle à des gens, promène ton chien. Les applis commes les sites de rencontres sont des outils, pas des solutions miracles. Le rejet fait partie du jeu. Plus on swipe, moins on s’engage.
Steven : Les applis donnent l’impression d’avoir trop d’options, mais peu de satisfaction.
Esther Perel : Exact. Elles transforment les gens en produits. Le ghosting, la grossièreté, l’absence de responsabilité… ce n’est pas juste frustrant, c’est blessant. Ce n’est pas le célibat qui fait souffrir, c’est la manière dont on est traité.
La récession sexuelle
Steven : Une baisse du sexe en couple est observée chez les jeunes et les mariés. Pourquoi ?
Esther Perel : Ce n’est pas que le sexe est moins excitant, c’est que la vie ensemble l’est moins. Trop d’écrans, trop peu d’interactions. Sans connexion, pas de passion. On assiste à une récession sexuelle. Le porno et la masturbation augmentent, mais le sexe à deux demande une réelle présence.
Steven : Pourquoi tant de jeunes hommes ont-ils des problèmes d’érection ?
Esther Perel : Parce qu’ils passent trop de temps seuls, devant du contenu porno. Ils n’apprennent pas à s’harmoniser avec un(e) partenaire. Le sexe, c’est une danse à deux.
La perte ambiguë et les petits gestes
Steven : Mon ex m’a dit que j’étais à un million de kilomètres même assise à côté. Ça m’a marquée.
Esther Perel : C’est ce qu’on appelle une perte ambiguë : tu es là, mais pas vraiment. Comme dans l’Alzheimer. Et souvent, ce sont les écrans ou le travail qui nous éloignent. Mais un simple geste tendre peut tout changer. La vie est faite de détails.
Steven : Après mes tournages, je me dispute souvent avec ma conjointe. Elle veut une connexion, moi je suis vidée.
Esther Perel : Donne-lui, et à toi, 30 minutes de présence complète. Sans écran, sans rôle à jouer. Ce moment recharge en ocytocine et renforce le lien.
Infidélité et vérité : faut-il tout dire ?
Steven : Mon ami se demande s’il doit avouer une infidélité passée.
Esther Perel : La vérité n’est pas toujours bienveillante. Se confesser peut détruire la perception qu’a l’autre de la relation. Investis plutôt ton énergie dans la relation, rends-la meilleure. La transparence peut parfois être cruelle.
Steven : Et s’il ne trouve plus son/sa partenaire attirant(e) ?
Esther Perel : L’attirance est contextuelle. Elle disparaît avec le ressentiment, mais renaît avec la tendresse. Si ton/ta partenaire se néglige, ça joue, mais ce n’est pas figé. L’attirance se ravive, elle n’est jamais statique.
Monogamie et satisfaction à long terme
Steven : Mon ami marié depuis 25 ans me dit qu’il a du mal à rester comblé avec une seule personne.
Esther Perel : Étonnamment, les femmes se lassent souvent plus vite que les hommes. Le désir a besoin de jeu, de surprise, de plaisir. Si l’ouverture du couple n’est pas possible, injectez de la curiosité et de la légèreté. Se plaindre sans agir, c’est abandonner.
Steven : Il m’a dit que l’intimité est morte depuis longtemps.
Esther Perel : Qu’il écrive à sa conjointe : « Quelque chose s’est éteint et ça me manque. J’aimerais rallumer la flamme. Es-tu prête à essayer ? » Le désir revient, comme les cycles lunaires. Mais il faut en prendre soin.
Self-care et relations
Steven : Quelle place accorder au self-care dans le couple ?
Esther Perel : On est allés trop loin dans l’amour de soi. Le bien-être vient aussi du lien avec les autres. Donner libère des hormones de bonheur. L’équilibre ne vient pas que du nombril, mais de la connexion.
Masculinité et rôles en évolution
Steven : Les hommes se sentent-ils déstabilisés par les femmes puissantes ?
Esther Perel : L’émasculation est un thème ancien. Les hommes ont du mal à redéfinir leur identité face à des femmes autonomes. Et les femmes veulent des partenaires forts mais sensibles. Ce n’est pas une guerre des genres, c’est un dialogue à créer.
Steven : Si vous étiez présidente du monde, quelles seraient vos priorités pour éviter l’atrophie sociale ?
- Parler aux inconnus : recréer une culture du “bonjour” dans nos rues et nos villes.
- Créer de la résonance collective : rire, chanter, danser ensemble.
- Apprendre à se disputer sainement : comprendre que les conflits tournent autour du respect, de la confiance, du pouvoir.
Les relations au travail
Steven : Est-ce que ces principes s’appliquent aussi au travail ?
Esther Perel : Absolument. La confiance, le sentiment d’appartenance, la reconnaissance et la résilience collective sont les nouveaux piliers des relations professionnelles. Ce n’est pas du “soft”, c’est du fondamental.
Mot de la fin
Esther Perel : La qualité de vos relations détermine celle de votre vie. La confiance, c’est s’aimer malgré ses imperfections. L’intelligence artificielle peut nous aider à communiquer, mais jamais remplacer l’humain. On est imparfaits, imprévisibles : et c’est ça qui nous rend captivants.
Steven : Esther, vous m’avez permis de voir mes propres schémas, comme cette déconnexion floue que je crée parfois. Merci pour votre regard.
Esther Perel : La vie se joue dans les petits gestes. Un texto doux, une vraie présence… c’est ça, le vrai lien.